Interview par Julie Sitaud, Anouk Gohier, Claire Babok (étudiantes de Sciences Po)
1/8 Un mot pour se définir : Aventurière
Prudence Bayonne se désigne comme étant aventurière: “j’ai beaucoup voyagé. Je raffole des découvertes de destinations lointaines”. Pour elle, s’éloigner et “découvrir l’aventure de la vie” était nécessaire, surtout pour “sortir de sa zone de confort. “Pourquoi pas se confronter à une réelle difficulté, et partir dans un pays anglophone toute seule?” nous explique-t-elle. En partant au Sénégal pour 45 jours avec le programme IMPOWER de YAKA cet été, elle voulait “tester ses capacités” parce que “quand on reste assis sur ses acquis on ne sait pas jusqu’où on pourrait aller”.
2/8 “Une pierre à l’édifice”
Si elle devait expliquer la démarche de son expérience, elle le formulerait selon cette métaphore. ’“Je suis en train de poser ma pierre à l’édifice”, en effet, ayant vécu chez les habitants, elle à participé à la “mis[e] en place [d’] ateliers avec les jeunes du village”, et notamment des ateliers sur l’entrepreneuriat. Selon Prudence, “[sa] pierre à l’édifice serait le fait de se sentir utile de façon concrète”. Elle a pu construire des liens forts, et “cette amitié [avec les habitants] s’est construite autour de la volonté de faire évoluer le village” sur le plan social, le plan économique, avec des exemples très concrets mais révélateurs du potentiel du village, qui offrent de réelles opportunités aux femmes du village: “on a conçu un produit, par exemple un sac à base de sac à patates”.
3/8 “S’aider soi-même en aidant les autres”
Prudence Bayonne nous raconte également comment cette expérience constitue un challenge pour elle. “Avant d’intégrer YAKA, je manquais cruellement de confiance en moi” explique la jeune fille. Ainsi, ce voyage “c’était aussi une façon de [s]e prouver [qu’elle] pouvai[t] poursuivre un projet de A à Z, rencontrer des gens, étoffer [sa] culture personnelle, et voyager aussi”. Selon l’expression consacrée qu’elle nous rappelle, “les voyages sont ce qui forme la jeunesse”. Pour elle, les doutes étaient néanmoins présents au moment du départ: “Avant de partir, je me demandais si je pouvais intéresser des personnes en France avec ce projet, et si j’étais capable de nouer des relations avec les locaux pour qu’on reste en contact”. Mais une fois lancée, elle n’a plus hésité car “c’est vraiment un partenariat main dans la main”.
Si le départ fut un challenge, l’expérience a eu beaucoup d’impact sur la vie de Prudence.
“Je garderai en mémoire le fait que grâce à mon voyage au Sénégal, j’ai arrêté de me maquiller”, car une fois là-bas nous dit-elle, elle a su comprendre qu’il est important d’apprendre à accepter que la vision qu’on a ne doit pas forcément plaire aux autres”. A Soussane, toute fraîchement arrivée, elle fut confrontée à un premier choc lorsqu’on lui dit “Nous ce qu’on regarde c’est ta personne, pas ton visage”, une phrase qui lui est restée en mémoire.
4/8 Acteurs du changement!
Voilà comment Prudence Bayonne caractériserait le programme IMPOWER, dont la vocation est de “former à la solidarité internationale”. Ce programme a également un impact sur chacun particulièrement important nous explique Prudence, “l’individu doit prendre conscience de ses capacités, de sa possibilité de pouvoir agir pour la communauté”. Les multiples ateliers sur le développement personnel permettent à chacun de “mieux appréhender le travail en groupe”, et pourtant Prudence confie qu’“au départ, [elle a] eu un petit peu de mal à [s]e faire entendre, car [elle était] entourée de personnes avec de fortes personnalités”.
Pour Prudence, “la phase du voyage a été la plus puissante, on en apprend beaucoup sur soi-même”. Elle qui recommanderait le programme sans hésitation confie qu’“il y a certaines personnes qu’[elle n’aurait] jamais abordé, parce qu’[ils viennent] de milieux sociaux différents”, mais que le point commun qu’ils partageaient tous était “cette volonté de potentiellement devenir un acteur du changement”.
5/8 Jeunes et capables!
Cette expérience a également été l’occasion de réfléchir au pouvoir de la jeunesse. “Sur le plan local, j’ai changé d’opinion sur le pouvoir qu’ont les jeunes”, “Les jeunes sont la relève, c’est par eux que passera le changement. Il faut qu’ils s’emparent de problèmes liés à la société pour que les choses avancent.” Mais c’est également en travaillant avec la jeunesse que Prudence a vécu cet empowerment: “On a organisé un forum de la jeunesse au Sénégal. On y a accueilli des professionnels de la santé et de l’éducation, ainsi que des politiciens et des associations”. “J’ai perçu la puissance de l’initiative des jeunes, et à quel point ça pouvait avoir un réel impact”.
6/8 Le Moulin à Mil: Empowerment!
La dernière étape du programme auquel Prudence participe consiste en un projet concret, qu’elle a lancé avec Abdou Seydi, un autre lauréat de YAKA de sa promotion. L’idée qui leur est venue est de “co-financer la réparation du moteur” du moulin à Mil du village. “Ca nous est venu grâce à des discussions avec les femmes du village”. Le constat de départ était “[qu’ils ne voyaient] pas toujours les femmes participer aux travaux champêtres.”. Ce sont elles qui sont responsables de piller le Mil, parfois aidées de leurs filles, ce qui les empêche d’aller à l’école. L’idée est alors de “permettre aux femmes d’être plus indépendantes de leur mari” et de leur donner une plus grande autonomie “de sorte qu’elles puissent vendre ce mil”. Prudence nous explique que les enjeux liés à l’éducation des jeunes filles sont très présents, et qu’au total, “il y a très très peu de personnes qui ont leur brevet dans le village”.
7/8 Quelles inégalités?
Lorsqu’on lui demande quelle expérience elle a des inégalités, Prudence nous parle de ce qui la choque le plus en France: “les inégalités sociales”. “Les enfants n’ont pas les mêmes moyens de réussir selon leurs milieux. Ils ne disposent pas forcément du même capital économique, culturel, mais également social”. “Quand j’étais plus jeune, on m’a souvent montré l’école comme étant l’institution qui me permettrait de m’élever dans la société (…) Je me rends compte que l’école sert, ne serait-ce que pour montrer sa légitimé sur le marché du travail […], mais il y a une chose que je ne savais pas en étant plus jeune, c’est la puissance du carnet d’adresses”. D’ailleurs, elle nous confie avec un sourire: “Je pense que, quand je serai grande, j’aimerais vraiment lutter contre les inégalités sociales”. En abordant cette fois ci la question au Sénégal, elle évoque plutôt les inégalités de genre. “Lorsque tu es un homme, tu as beaucoup plus de prérogatives que quand tu es une femme.” “Si t’es une femme et que tu as le malheur de te marier en n’étant pas vierge, ton mari a le droit de te manquer de respect”. Si cette inégalité l’a fortement marquée, c’est aussi qu’elle a investi ce champ lors de son séjour là bas: “On a fait un atelier entre femmes, et on a discuté de la sexualité et des règles”.
8/8 Engagement solidaire
Finalement, ce programme a un impact fort pour elle même, mais également pour la communauté locale, et surtout pour les femmes et les jeunes filles; “sur le plan économique [ce projet] permettra aux femmes d’avoir un revenu,[…] de pouvoir épargner afin d’initier des projets en vue d’améliorer le village”. “Elles pourraient elles-mêmes être leur propre personne” conclut Prudence.
Je suis Prudence, détentrice d’un master 1 AES parcours ressources humaines à la Sorbonne et lauréate de la 7ème promotion de l’ONG YES Akademia. Dans le cadre du programme de leadership Impower, j’ai réalisé un voyage interculturel dans le village de Soussane, au Sénégal. J’ai séjourné au sein de la famille Dione, qui est devenu ma famille de cœur, ayant été accueilli par eux comme un membre à part entière de leur famille.
Il y a tant de choses à dire sur ce que ce voyage m’a apporté. D’abord, il m’a fait découvrir la culture Sénégalaise, plus particulièrement, celle appartenant à l’ethnie Serrere. Riche de cette interculturalité échangé, où le partage, l’échange et le respect sont les maîtres mots, je me suis intéressé au travail, fournit par les femmes du village. J’y ai découvert des femmes braves, et résilientes, à des années lumières des représentations faite par les médias occidentaux. J’y est déconstruit quelques clichés à leur égards, et en suis ressortie plus tolérante et ouverte d’esprit. Le voyage est le seul service que nous consommons et qui nous rends plus riche. Riche de nouvelles connaissances, riche de souvenirs et d’apprentissage.
La vie n’est un long fleuve tranquille pour personne, avec ses lots de dramas, péripéties mais également de bonheur. Il s’agit d’un immense roller coaster (vous savez cette attraction à Disneyland , où en trois secondes, vous vous retrouvez la tête en bas !) effrayante à première vue mais si trépidante ! N’hésitez surtout pas à vous affirmer et à affirmer vos propres idéaux. Tout le monde ne vous accueillera pas les bras ouverts, mais vous aurez le bénéfice de faire la différence ! Alors profitez en, car on ne vit qu’une fois et qu’il n’existe pas de pire existence que celle menée chargée de regrets.
Prudence a 24 ans. Pleine de vie, elle hait cordialement le café, adore le chocolat, et kiffe toujours autant regarder les Totally Spies. Maladroite toujours, peu sûre d’elle parfois, les épreuves de la vie lui ont inculqué comme valeurs principales de ne jamais baisser les bras et qu’il ne faut jamais s’interdire de rêver.
À part sa philosophie de vie très optimiste et dynamique, Prudence est en Master 1 Administration économique et sociale à l’Université Paris Panthéon-Sorbonne. Elle est intéressée par les domaines de l’archéologie et des ressources humaines, même si elle trouve que ces deux domaines sont très différents. Dans ses temps libres, Prudence pratique le Dancehall, une danse qu’elle trouve très importante en raison du fait que cette danse est très riche car elle est aussi chargée d’histoire.
Elle se décrit comme un melting pot de cultures puisqu’elle est d’origine ivoirienne et congolaise. Prudence a choisit le programme IMPOWER suite à un “éveil personnel” qui l’a rendu bien plus soucieuse de ce qui se produit dans le monde et veut dès lors poser sa “petite pierre à l’édifice” en participant au changement. Elle a choisi le voyage au Sénégal parce qu’elle a été attiré par ce pays en raison de son histoire (notamment l’île de Gorée qui fût lieu stratégique de la traite des esclaves). Elle pense que ce séjour sera une expérience très enrichissante et humainement très différente d’un voyage classique.